Les accents dont on ne peut se débarrasser

Parisien   Fri Jul 06, 2007 8:49 pm GMT
L'anglais et l'espagnol me paraissent (parmi les langues indo-européennes) les plus "naturelles", en ce sens que leur évolution a été spontanée, qu'elles ont existé avant d'être codifiées, et qu'elles partagent la particularité de pouvoir être prononcées sans fatigue, avec la langue molle et relaxée (en comparaison, le français, l'allemand, le néerlandais, c'est toute une mastication, des muscles à forcer, un effort physique à effectuer).

Question: ne serait-ce pas la raison pour laquelle les locuteurs natifs anglo-saxons et hispaniques ne parviennent JAMAIS à se défaire de leurs accents caracéristiques? (alors que germanophones et francophones, quand ils s'en donnent la peine, peuvent très bien y arriver, et que les Hollandais ont une diabolique facilité à assimiler les phonétiques autres que la leur)
greg   Fri Jul 06, 2007 10:48 pm GMT
Étrange vision.

L'anglais & le castillan ont ceci en commun qu'ils ont été confrontés, sur leur propre sol et durant plusieurs siècles, a une langue étrangère (le français & l'arabe, respectivement) qui aurait pu les évincer, à l'écrit du moins. Les influences exogènes considérables qui n'ont pas manqué de s'affirmer (notamment au niveau lexical) font qu'au total les trajectoires de l'anglais & du castillan ne sont ni "naturelles" ni "spontanées" (si tant est que l'on puisse s'accorder sur la définition de ces deux qualificatifs). Si tu pensais à un quelconque naturalisme sui generis propre à l'anglais & au castillan, j'ai bien peur qu'il s'agisse en fait d'une fiction utopique mâtinée d'un certain romantisme.

Quant à l'énergie articulatoire qu'il est nécessaire de mobiliser pour produire des énoncés dans l'une ou l'autre de ces deux langues, il serait périlleux de prétendre qu'elle est surpassée par celle qu'exige la parole française. Ne serait-ce qu'en raison de l'accent de mot, qui brille par son absence en français alors qu'il constitue le trait caractéristique — voire fondamental — de l'oralité tant anglaise que castillane. Et ce n'est là qu'un exemple.

Je n'ai pas d'info précise sur la dynamique anatomique à l'œuvre au cours de l'articulation orale de toutes les langues que tu as citées, mais je ne pense pas que le français exige une motricité beaucoup plus forte ou complexe que l'anglais, par exemple. À vérifier.

La réponse à ta question est aisée : pour toute langue L, il existe des locuteurs maternels capables d'atteindre un niveau quasi-maternel dans une langue M. De plus, pour toute langue L, il existe aussi des locuteurs maternels incapables d'atteindre un niveau quasi-maternel dans une langue M. En revanche il n'existe aucune langue L qui interdirait à l'un quelconque de ses locuteurs maternels de parvenir à un stade quasi-maternel dans une langue M. De la même manière, il n'existe aucune langue L qui garantirait automatiquement à tous ses locuteurs maternels de parvenir à un stade quasi-maternel dans une langue M.
greg   Fri Jul 06, 2007 10:52 pm GMT
Addendum.




Parisien : « (...) elles [LES LANGUES ANGLAISE & CASTILLANE] ont existé avant d'être codifiées (...) ».

Comme à peu près toutes les langues...




Parisien : « (...) elles [LES LANGUES ANGLAISE & CASTILLANE] partagent la particularité de pouvoir être prononcées sans fatigue (...) ».

Pas pour moi en tout cas. Une journée d'anglais ou de castillan et je suis bon pour un Aspro et un bon dodo.
Parisien   Sat Jul 07, 2007 10:17 am GMT
"Une journée d'anglais ou de castillan et je suis bon pour un Aspro et un bon dodo."
Oui, ça prend la tête...

Mais je maintiens que le français exige une dépense d'énergie plus intense, comparé par ex. au relâchement labial caractéristique du castillan courant. Selon moi, l'absence d'accent tonique de mot, loin de faciliter l'élocution, lui impose au contraire une tension permanente, alors que l'anglais (celui britannique surtout) dispose de béquilles qui jalonnent la prosodie...

J'ai entendu des non-francophones prétendre qu'on reconnaît de loin les Français rien qu'aux contorsions faciales qu'ils s'imposent pour émettre certains sons (les voyelles d'avant par ex.). Je te le dis comme on me l'a dit...

Comparé à l'allemand ou l'italien, ainsi qu'au français, il me paraît clair que l'anglais a poussé à la sauvage, durant les 3 siècles où il a été expulsé de l'espace public par le français (ou l'anglo-normand). Il a subi dans l'intervalle l'impact du vocabulaire français, mais peut-être plus encore de la syntaxe danoise, qui l'ont rendu méconnaissable.

Aucune autre grande langue ne comporte dans son lexique autant d'onomatopées et de termes d'origine indécidable, obscure ou carrément inconnue (big, black, dog, boy, girl, lad, body, pig... Comme par hasard des termes parmi les plus typiques de la langue, les plus percussifs et les plus popularisés dans le monde).

On ne me retirera pas de l'idée que l'anglais est né comme un argot — d'où sa créativité, son expressivité, et sa simplicité.