Latin et grec.

Mallorquí.   Sun Sep 09, 2007 2:32 pm GMT
Voilà une question que je n'ai jamais trouvé expliquée nulle part:

Porquoi est-ce que les différences entre les langues romanes et le latin classique sont tellement plus grandes qu'elles ne le sont entre le grec classique (niveau koïné) et le grec moderne (dhimotikí).

Je trouverais intéressant qu'on en parle, vu que les langues romanes sont la continuation du latin vulgaire, et le grec moderne l'est du grec classique (étape koïné).
Cretan   Sun Sep 09, 2007 4:01 pm GMT
Mother-Latin has over 10 surviving children-languages

http://www.answers.com/topic/history-of-latin

Mother-Greek has one child-language

http://www.answers.com/topic/history-of-greek

The main reason

Hellenism after Alexander the Great's expansion
was limited by Romans,Arabs,Slavs,Turks

while latin languages were spread till Americas,Africa and Asia


the more you spread a language
the more you alter it

p.s.

if the indo-greek kingdom
http://en.wikipedia.org/wiki/Indo-Greek
had survived
today we would have probably another one greek language
with hindi,urdu influence
Sam II   Sun Sep 09, 2007 6:31 pm GMT
Josh Lalonde "C’était le katharevousai, un forme “purifié” de toute influence turque et italienne, et rapproché artificiellement au grec classique."

Please notice that since the Renaissance in Italy and France there were big efforts made by many literates and by institutions like the Academie in France to purify Romance languages from Germanic influences and to bring them artificially nearer to classic Latin. So you still have to explain why the Greek "purification" succeeded while the French and Italian "purification" dis not although they lastetd significally longer.
Mallorquí.   Sun Sep 09, 2007 7:56 pm GMT
Merci pour vos renseignements.

Parmi les facteurs socio-économiques que vous signalez, je crois pouvoir compter le suivant:

Dans l'Empire romain d'Occident, où le latin était la langue courante de communication, le centre culturel, Rome, a disparu comme noyau unificateur de la langue et de la culture latines, au Vème siècle, tandis que dans l'Empire romain d'Orient, où la langue principale de culture était le grec, le centre culturel, Constantinople, a duré encore mil ans, jusqu'à la chute dans les mains des turques, en 1445.
OïL   Sun Sep 09, 2007 10:17 pm GMT
Je me suis posé cette question il y a longtemps, dès le lycée. J'avais la chance de faire allemand 1ère langue, je m'étais frotté d'un peu d'italien et d'espagnol, et étais passionné par l'histoire du haut Moyen-Âge...

Un fait m'intriguait: l'arrivée de tout un stock de mots germaniques (noms de couleurs, termes militaires etc.) dans les langues romanes était officiellement expliquée comme conséquence des grandes invasions. Or, ce stock était pratiquement le même dans toutes les langues romanes. Des peuples différents (Francs, Lombards, Burgondes, Wisigoths...) étaient censés avoir transmis les mêmes mots en même temps à des peuples non moins différents... Ça me paraissait bizarre.

Par ex., le mot <guerre>, <guerra> (et <war> en anglais) a été adopté dans tout l'Ouest de l'Europe à la place du lat. <bellum>. En même temps, le roumain a pris un terme slave (?), <razboi> pour dire guerre... Donc, le mot <bellum> avait très tôt disparu de la langue parlée. Plus étrange encore, les mots germaniques "normaux" pour guerre sont <krieg>/<krig> ou <oorlog>, alors que <guerre> est apparenté à une racine germanique signifiant "confusion" (comme all. <verwirren> ou néerl. <verwarren>). Par quel hasard se fait-il que toutes langues romanes occidentales se soient mises d'accord sur ce mot? à l'époque de dissolution de l'empire romain, lorsque le seul facteur d'unité était l'Eglise, qui utilisait le latin écrit?

Et comment expliquer que les langues romanes se soient alignées sur des systèmes grammaticaux assez analogues, mais absolument différents du latin?

La réponse à ces questions (et à un million d'autres) se trouve sans doute dans un livre dont Greg nous a parlé il y a quelques jours: 'Le Français ne vient pas du latin', d'Yves Cortez.
Je n'ai pas encore lu le bouquin (je viens juste de le commander), mais quelques-une des thèses de l'auteur sont résumées sur son blog:
http://yvescortez.canalblog.com/

Son opinion est que le latin est devenu très tôt une langue morte, réservée à l'écrit, que les langues romanes dérivent en fait d'un vieux roman extrêmement différent du latin, et qui n'était autre qu'un italien archaïque. Effectivement, considérer que l'espagnol est un dialecte de l'italien paraît cohérent. Mais affirmer que les deux langues ont évolué parallèlement depuis le latin pour arriver à des résultats analogues paraît invraisemblable quand on y réfléchit un peu!

Extrait du blog d'Yves Cortez:

"Curieuse langue mère que le latin, qui ne nous aurait transmis ni sa syntaxe, ni sa grammaire, ni son vocabulaire courant."

"Prenons la grammaire : où sont passées les déclinaisons ( envolées? toutes? dans toutes les langes romanes? ), où est passée la forme passive? Envolée elle aussi?où est passé le genre neutre cher au latin, envolé? Et le supin, et les adjectifs verbaux et les comparatifs et les formes interrogatives....RIEN. Il ne reste rien de la grammaire latine !"

"Prenons le vocabulaire : où sont passés les adverbes et les conjonctions( igitur, tandem, ergo, sed, mox, vix, cur, ...et des dizaines d'autres), où sont passés les adjectifs usuels ( pulcher, elatus, pullus, albus, flavus, parvus, jucundus, exilis, venustus...), où sont passés les verbes les plus courants? Envolés? Mais par quel miracle une langue mère n'aurait-elle pas transmis son vocabulaire le plus usité ?"

"Prenez le vocabulaire militaire, on pourrait penser que les Romains connus pour être d'excellents soldats nous auraient transmis leur vocabulaire. O stupeur, les mots "foedus, bellum, clades, classis, cedes, galea, clava..." que nous trouvons dans tous les écrits auraient eux aussi disparus !"

"Nos étymologistes persuadés que le français vient du latin s'ingénient à trouver une origine latine à tous les mots français, confortant au passage la conviction de tous d'une origine latine de notre langue.Et ça donne bien sûr un résultat totalement surréaliste. Ainsi le mot chantier viendrait du mot cantarius ( mauvais cheval ), le mot cancan viendrait du mot quamquam ( quoique ), le mot équarrir viendrait du mot exquadrere ( rendre carré ), le mot trivial du mot trivium( trois voies ), le mot eau de aqua, le mot bouger de bullicare ( bouillir ). Peu leur importe la logique pourvu que ça vienne du latin!"

"Leur méthode s'apparente à la pêche à la ligne! Elle ne possède aucune logique. Non seulement je critique ces étymologies rocambolesques mais je propose une autre approche plus rationnelle dans le livre que je viens de publier."
Mallorquí.   Sun Sep 09, 2007 11:08 pm GMT
Oïl, bonsoir,

Ton message m'a coupe la chique. Il démonte tout ce que j'avais étudié quant à l'origine de nos langues romanes. Enfin...

Je voudrais signaler que le catalan, et en partie sa langue siamoise, l'occitan, garde une bonne quantité de latinismes patrimoniels qui ont disparu des autres langues romanes. En voilà quelques exemples, d'abord catalan, puis latin, puis français:

1) Aturar (obturare). Arrêter.

2) Rebutjar (repudiare). Rejeter.

3) Capsa (capsa). Boîte. (Nous avons "caixa", en français "caisse".). L'espagnol ne fait pas cette diférentiation.

4) Àvia (avia). Grand-mère. Avi, "grand-père".

En aucune autre langue romane ces mots latins n'ont perduré. La liste pourrait s'allonger beaucoup

Un cas très curieux est celui de la "mustela" latine (mustela nivalis). Probablement à cause de superstitions liés à ce petit carnassier, le "mustela" latin a disparu de la totalité des langues romanes: "belette" en français, "comadreja" en espagnol, "donnola" en italien, "doninha" en portugais... Eh bien, en catalan la "mustela" latine se dit... "mostela". En occitan, "mostèla", mais aussi "polida".

C'est pout-être parce que nous sommes un peuple peu superstitieux?

Notez que, dans toutes les autres langues romanes, l'idée est de chose petite, jolie, de petite femme.
OïL   Sun Sep 09, 2007 11:43 pm GMT
Note que vu sa position centrale, l'ensemble catalan-occitan (+ éventuellement piémontais) pourrait avoir été la vraie langue mère des langues romanes occidentales!

(Ne pas le dire aux nationalistes catalans, ils n'attendent que ça pour grimper aux murs...)

C'est dans ce coin en tous cas qu'on trouve le vocabulaire indigène le plus riche.

Tiens, prenons un mot comme <canviar>: officiellement, il s'agit d'un import tardif probablement celtique dans le latin vulgaire, mais peut-être existe-t-il depuis 2000 ans au moins dans le roman parlé... On peut concevoir qu'il ait évolué en <cambiar(e)> à l'Est et à l'Ouest, et en <changer> au Nord... Par contre, imaginer que, par contiguïté, l'it. <cambio> se soit déformé en <canvi> avant de redevenir <cambio> en Castille paraît moins logique.

Je cite ce mot parce que, en roumain, ça se dit <muta>! Avoue qu'il n'est pas très normal que les morphologies réellement latines soient souvent mieux conservées dans des isolats comme la Roumanie ou la Sardaigne.

Et on notera que <change> a aussi été transmis à l'anglais...

Bref, autant le grec moderne vient en droite ligne du grec ancien, autant les langues romanes ont avec le latin le même genre de rapport très tortueux que l'anglais a avec l'ancien germanique.

La différence, certes, est que les apports danois et franco-normands dans l'anglais sont parfaitement documentés. Tandis que pour l'hypothétique vieux-roman qui aurait été la langue véhiculaire romaine, on ne dispose d'aucun écrit (mais on n'en a pas plus pour le 'latin vulgaire').

Je ne garantis pas que Yves Cortez soit 100% sérieux, j'attends le bouquin, mais le peu que j'en connais semble ouvrir des pistes intéressantes.

T'es-tu déjà interrogé sur la mystérieuse simultanéité avec laquelle les langues romanes de l'Ouest (sauf dans une certaine mesure le sarde...) ont adopté pour construire le futur le même système (inf.+>avoir> conjugué) étranger au latin?...
Guest   Mon Sep 10, 2007 10:07 am GMT
<<<T'es-tu déjà interrogé sur la mystérieuse simultanéité avec laquelle les langues romanes de l'Ouest (sauf dans une certaine mesure le sarde...) ont adopté pour construire le futur le même système (inf.+>avoir> conjugué) étranger au latin?... >>>

During the first centuries the Roman Army consisted more and more of Latinized Germanics and also later during the migration period, Latin was massively transformed and made "simple to be learned" for Germanic immigrants and mercenaries. This transformed language became the base of the different Romance languages. For example the French and German future are analog

je vais manger Ich werde essen
tu vas manger du wirst essen
il va manger er wird essen
nous allons manger wir werden essen
vous allez manger ihr werdet essen
ils vont manger sie werden essen

Another indication:
It is well known that the distribution of the different Romance dialects in France correspond to the territories controlled by different Germanic tribes:
Franco-Provencal = Burgundii
Langue D'Oil = Franks
Langue d'Oc = Visigoths

so why not
Italian = Lombards
Sicily = Normannic
Cathalan (= Gothaland, land of the Goths) = Visigothic
Spain = Visigothic and Suebic
OïL   Mon Sep 10, 2007 10:43 am GMT
"Cathalan (= Gothaland, land of the Goths) = Visigothic "

— Cette étymologie est une vaste blague!
La seule vraisemblable est un dérivé de l'ethnonyme "Catalauni", peuple gaulois représenté en particulier en Champagne française, autour de Châlons (cf. les "Champs Catalauniques")

"Sicily = Normannic "
— Les Germains sont massivement présents en Gaule Belgique au temps de Cesar. Les Normands en Sicile, c'est 1000 ans plus tard, et ils parlaient français...
greg   Mon Sep 10, 2007 12:58 pm GMT
Guest :

« For example the French and German future are analog

je vais manger Ich werde essen
tu vas manger du wirst essen
il va manger er wird essen
nous allons manger wir werden essen
vous allez manger ihr werdet essen
ils vont manger sie werden essen ».



Le seul petit problème c'est que l'allemand ne possède pas de futur morphologiquement synthétique, à la différence du français. L'allemand, comme l'anglais, utilise la périphrase là où le français, comme l'occitan ou l'italien, déploie un paradigme spécifique.




Voici un aperçu du futur dans certaines langues romanes pour le verbe <chanter> :

castillan — catalan — français — gascon — occitan — italien

cantaré — cantaré — chanterai — cantarèi — cantarai — canterò

cantaras — cantaràs — chanteras — cantaràs — cantaràs — cantarai

cantara — cantarà — chantera — cantarà — cantarà — canterà

cantaremos — cantarem — chanterons — cantaram — cantarem — canteremo

cantareis — cantareu — chanterez — cantaratz — cantaretz — canterete

cantaran — cantaran — chanteront — cantaran — cantaràn — canteranno.

(merci de rectifier les erreurs)


Ces formes modernes sont peut-être issues de la synthèse de formes autrefois périphrastiques.
OiL   Mon Sep 10, 2007 1:32 pm GMT
"Ces formes modernes sont peut-être issues de la synthèse de formes autrefois périphrastiques"

Bien sûr. Elles sont faites en ajoutant à l'infinitif la déclinaison de "avoir" (avec parfois des formes contractées). C'est un trait commun à toutes les langues romanes occidentales (sauf le sarde, qui met 'avoir' avant l'infinitif):

chanter-ai
chanter-as
chanter-a
chanter-(av)ons
chanter-(av)ez
chanter-ont

Noter que l'utilisation de 'avoir' pouvait inclure à l'origine un double sens de devoir moral, un peu comme <shall> en ang., <ska(ll)> en scand ou <zullen> en néerl.

PS - Greg, encore merci pour m'avoir mis sur la piste de Y. Cortez, et pour les commentaires que tu en as fais sur un autre forum. L'ouvrage à ce que j'en sais n'a pas l'air irréprochable mais offre des possibilités d'explication plausible à certaines impossibilités.
Guest   Mon Sep 10, 2007 1:45 pm GMT
>>"Sicily = Normannic "
— Les Germains sont massivement présents en Gaule Belgique au temps de Cesar. Les Normands en Sicile, c'est 1000 ans plus tard, et ils parlaient français... <<

That's very true, but here is some further information from the Wikipedia:

>>>The most significant change the Normans were to bring to Sicily was in the areas of religion, language and population. Almost from the moment (Noman) Roger I controlled much of the island, immigration was encouraged from both Northern Italy and Campania. For the most part these consisted of Lombards who were Latin speaking and more inclined to support the Western church. With time, Sicily would become overwhelmingly Roman Catholic and a new vulgar Latin idiom would emerge that was distinct to the island.<<<
source: http://en.wikipedia.org/wiki/Sicily

This is imo another hint that vulgar Latin idioms = Romance languages were created during a hundredth of years long lasting process of Latinization of Germanic settlers (here Lombards)
nico   Mon Sep 10, 2007 1:54 pm GMT
Dites les gars, vous avez pas le cerveau qui fume j'espère!
Guest   Mon Sep 10, 2007 2:49 pm GMT
Sicily seems to be a very interesting ethno-linguistical microcosmos:

<<The Sicilian language was an early influence in the development of the first Italian standard, although its use remained confined to an intellectual élite. This was a literary language in Sicily created under the auspices of Frederick II and his court of notaries, or Magna Curia, which, headed by Giacomo da Lentini also gave birth to the Scuola Siciliana, widely inspired by troubadour literature. Its linguistic and poetic heritage was later assimilated into the Florentine by Dante Alighieri, the father of modern Italian who, in his De Vulgari Eloquentia (DVE claims that "In effect this vernacular seems to deserve a higher praise than the others, since all the poetry written by Italians can be called Sicilian" (DVE, I, xii). It is in this language that appeared the first sonnet, whose invention is attributed to Giacomo da Lentini himself.
There are also several areas in Sicily where dialects of the Lombard language of the Gallo-Italic family are spoken. Much of this population is also tri-lingual, being able to also speak one of the Sicilian dialects as well.>>
http://en.wikipedia.org/wiki/Sicily

Besides Latinized Lombards, Frederick II of the of the Hohenstaufen dynasty seems to have played a decisive role for Italian language.
Mallorquí.   Mon Sep 10, 2007 2:59 pm GMT
Oïl, bonjour,

Aussi séduisante que puisse paraître l'idée d'una langue pre-romane paral·lèle au latin, mais qui ne s'y identifiait pas, et centrée sur la région qui va d'Alacant a Nice, je suis sûr qu'elle est fausse.

On a trouvé, près de Valence, dans la zona actuellement de langue catalane, des inscriptions qui, déchiffrées, montrent une langue qui rappelle beaucoup le basque de nos jours.

Et puis, en parlant de l'"inexplicable" disparition des déclinaisons latines en roman, il ne faut pas oublier que les anciens français et occitan en possédaient des vestiges.

Je vous conseille cet article qui met en parallel l'évolution de la langue latine et celle de la langue arabe. L'auteur, Xavier Frías Conde, y montre les coïncidences pour ce qui est de la réduction, en arabe, du système de déclinaisons, la même chose qui est arrivée au latin dans son passage aux langues romanes:

http://www.romaniaminor.net/ianua/Ianua01/01Ianua02.pdf

Il y a, dans la plupart des langues, une tendence à l'elimination, ou du moins réduction, du système de déclinaisons. Voyez le cas du grec et, récemment, du hollandais.



Donc, j'ai bien peur qu'il nous faudra continuer de croire que nos langues dérivent du latin vulgaire, malgré ton message où tu disais:

"Note que vu sa position centrale, l'ensemble catalan-occitan (+ éventuellement piémontais) pourrait avoir été la vraie langue mère des langues romanes occidentales!

(Ne pas le dire aux nationalistes catalans, ils n'attendent que ça pour grimper aux murs...)."

D'ailleurs, malgré en avoir lu ces deux paragraphes, je garde mes deux pieds sur terre et je n'ai pas eu la moindre temptation de grimper aux murs: je souffre d'acrophobie.

Enfin, nous continuerons d'appeler le latin "notre langue mère", ce qui n'est pas si mal, tout compte fait.